Nous vous parlons quelquefois de Madame Sanson dans nos lettres, car c'est vraiment une femme exceptionnelle, et bien qu'étant très occupée, elle a accepté de nous recevoir un après-midi pour nous parler un peu de Véronique.

Il pleut des cordes. Nous arrivons trempés. Gershwin - le chien - qui a entendu l'ascenseur, grogne avant même qu'on n'ait sonné. La mère de Véronique, souriante, nous ouvre. Elle nous invite à la suivre dans le salon où nous prenons place. Bien que nous en soyons à notre 2ème interview, nous n'avons pas encore l'aisance des grands journalistes et cherchons des questions pendant que Madame Sanson part prendre un vase pour y mettre la rose que nous lui avons offerte. Elle revient avec un album de photos de famille à la main et nous le regardons tous ensemble. Chaque photo lui rappelle un souvenir:

Mme Sanson: Vous savez, Véronique - à l'encontre de Violaine - n'a pas connu l'age ingrat. Elle a toujours eu un teint de rose. Elle était d'un naturel très rêveur. Par exemple, lorsqu'il gelait dehors, il lui arrivait fréquemment de sortir sans son manteau. Une seule chose a toujours compté pour elle: la musique. Quand elle rentrait de l'école, elle posait son béret et son duffle-coat, lançait son cartable au milieu de l'entrée et courait au piano.

Harmonies:  Comment a-t-elle commencé à s'intéresser à la musique?

Mme Sanson: À l'age de 7 ans, Violaine m'a dit "Je voudrais faire du piano. J'ai rendez-vous avec une amie la semaine prochaine au cours de Maina Robur."  Véronique l'a suivie peu de temps après. Elle avait 5 ans et, d'ailleurs à ce sujet, je vais vous raconter une anecdote. Vous savez que Véronique a une mémoire musicale phénoménale et un jour, son professeur est venue me trouver et m'a appris qu'elle ne connaissait absolument pas le solfège. Vous savez ce qu'elle faisait?  Elle écoutait attentitvement le morceau qu'interprétait son professeur, puis s'asseyait au piano et jouait d'oreille en faisant semblant de déchiffrer les notes. Maina Robur s'en est aperçue le jour où la parition n'était pas la bonne !

Harmonies:  Et la guitare?  À quelle époque l'a-t-elle découverte?

Mme Sanson: Et bien, moi, j'en jouais un peu sans être une virtuose et je lui ai appris quelques accords. Elle devait avoir 12 ans. J'avais une petite guitare française. Évidemment, elle m'a rapidement dépassé et j'ose à peine y retoucher quand elle est là... parce que, vous savez, et c'est là qu'on voit un peu le doigt du Bon Dieu, Véronique fait passer quelque chose dans sa musique. J'ai une cousine qui joue très bien du piano, mais... sa musique n'accroche pas autant. Tandis que Véronique, dès qu'elle joue, même "Au clair de la lune", tout le monde rapplique !

Harmonies:  Quel genre de musique écoutait-elle à 14 - 15 ans ?

Mme Sanson:  Elle écoutait surtout les Beatles mais aimait beaucoup aussi la musique brésilienne.

Harmonies:  Quel effet cela vous a-t-il fait de la voir pour la première fois sur scène?

Mme Sanson: Ca a été vraiment émouvant de voir notre "bébé" sur une scène. Je m'en souviens très bien, c'était à la Tour Eiffel. Elle passait en vedette américaine de Guy Marchand, je crois. Elle chantait 3 ou 4 chansons. Mais le choc, ça a été le Palais des Sports, l'année dernière. C'était vraiment un exploit sportif. (Nous tournons les pages de l'album et soudain, une photo de classe de Véro).

Harmonies: Ca marchait bien, l'école ?

Mme Sanson: Non. Elle n'était pas très intéressée. Et c'est dommage, parce qu'à l'école, on vous apprend à penser, à former un raisonnement. Et, pour cela, la discipline la plus utile (et où Véro est absolument nulle), ce sont évidemment les maths. Nous avons d'ailleurs gardé de bonnes relations avec le professeur des filles, qui avait fait des miracles puisqu'elle avait quand même réussi à sortir Véronique du zéro intégral. Par contre, Violaine était un crack. Elle a eu 19 3/4 sur 20 en maths au bac. Elle a fait son droit, son doctorat.

Harmonies: Elles étaient toutes les deux dans la même école ?

Mme Sanson: Oui, elles suivaient les cours Hattemer d'où sortent également Françoise Sagan, Françoise Hardy, Gérard Depardieu (qui était d'ailleurs en classe avec Violaine) et beaucoup d'autres. Tous les professeurs ne manquaient pas bien sûr de dire à Véronique: "votre sœur était bien mieux" etc... et le Directeur de l'école, qui était un ami d'enfance de mon mari, a été époustouflé lorsqu'il l'a vue à la Tour Eiffel. Il n'aurait jamais cru...

Harmonies: Véronique est-elle allée jusqu'au bac ?

Mme Sanson: Oui, en renâclant un peu. Elle a quand même été reçue à l'écrit mais s'est vue recalée à l'oral pour peu de points sur une question de géométrie. Heureusement, l'épreuve de piano lui avait permis d'en obtenir quelques-uns. Elle avait joué une valse de Chopin, si ma mémoire est bonne. Enfin, disons que sa scolarité n'est pas le fleuron de sa couronne !

Harmonies: Et comment a-t-elle rencontré Bernheim et Schoenberg ?

Mme Sanson: François Bernheim passait ses vacances en Espagne au même endroit que nous et les filles avaient fait connaissance avec lui. Ils jouaient de la guitare et chantaient ensemble sur la plage. Puis, ils ont décidé de faire un disque et, lorsqu'ils se sont présentés chez Pathé, ils ont rencontré Claude-Michel Schoenberg qui était directeur artistique. Ils ont alors fondé le groupe des Roche Martin et enregistré tous les quatre un 45 tours où il y a surtout une très belle chanson que chante Véronique et qui s'appelle "Maria de Tuscha".

(Gershwin, qui jusqu'à là dormait sur le tapis, se lève et vient chercher des caresses auprès de sa maîtresse. Ce qui nous amène bien sûr à lui demander si ce chien a une histoire).

Mme Sanson: Ah oui. Gershwin était à la S.P.A. dans une cage. Il devait avoir 2 ou 3 mois. Il était encore plus laid que maintenant: maigre comme un coucou, une tête énorme et la queue en fil de fer barbelé !  Et quand Véronique l'a vu, il lui a fait la fête. Elle a immédiatement décidé de l'acheter. Ça devait être au mois de décembre 69 et on s'était donné rendez-vous toutes les deux Place de la Madeleine. Quand je l'ai vue arriver avec ce chien en laisse, je me suis dit: "quel monstre".. Elle m'a alors expliqué qu'elle ne le trouvait pas laid du tout et qu'elle l'avait acheté pour Michel. Or, il n'en n'a pas voulu et nous n'en voulions pas non plus à la maison. Nous l'avons tout de même gardé le temps de lui trouver une famille et, finalement, il a mis tout le monde dans sa poche !

Nous sommes hélas déjà arrivés à la dernière page de l'album. L'heure tourne, nous avons un autre rendez-vous et il nous faut prendre congé en remerciant bien sûr, Madame Sanson pour sa gentillesse.

We sometimes tell you about Madame Sanson in our letters, because she is really an exceptional lady. Even though she's busy enough, she agreed to meet us one afternoon to speak a little bit about Véronique.

It's raining cats and dogs. We arrive soaked. Gershwin - the dog - who hears the lift, barks even before we buzz the door. Véronique's mother, smiling, opens the door for us. She invites us to follow her into the living room where we sit down. Even though we are doing our second interview, we are not yet as comfortable as the established journalists, and we were searching ourselves for questions while Madame Sanson went away to look for a vase in which to put the rose that we gave her. She returns with a family photograph album in her hand, and we look through it together. Each photograph reminds her of a story.

Mme Sanson:  You know, Véronique, contrary to Violaine, did not go through an awkward age. She still has a rose complexion. She was naturally very much a dreamer. For example, when it is freezing outside, she often goes out without her coat. On thing only has mattered to her: music. When she came home from school, she put down her beret and dufflecoat, discarded her bag in the middle of the hall, and ran to the piano.

Harmonies: How did she begin getting interested in music?

Mme Sanson:  When she was 7 years old, Violaine said to me: "I want to play the piano. I've got a meeting with a friend next week for a lesson at Maina Robur". Véronique followed her there shortly afterwards. She was 5 at the time, and besides, I'll tell you an anecdote. You know, Véronique has a phenomenal memory for music, and one day her teacher came to seem me and told me that Véro knew absolutely nothing about musical theory. Do you know what she does?  She attentively listens to the piece played by ther teacher, and then seated at the piano, plays by ear doing her best to decipher which notes to play. Maina Rober knew the day when the piece wasn't the right one!

Harmonies:  And the guitar?  When did she learn this?

Mme Sanson: Ah yes, myself, I played it a little without being a master of it, but I taught her several chords. She must have been 12. I had a little French guitar. Of course, she quickly became better than me, and I hardly dare to pick it up again when she is about, because you know, it is then that you start to appreciate God's gift, in that Véronique conveys something in her music. I have a cousin who plays the piano very well, but her music isn't so catchy. Meanwhile, Véronique, as soon as she plays even "Under the Moonlight" everyone shows up.

Harmonies: What kind of music did she listen to when she was 14 or 15?

Mme Sanson: She listened above all to The Beatles, but also to a lot of Brazilian music.

Harmonies: How did you feel the first time you saw her on stage?

Mme Sanson: It was very moving to see our "baby" on stage. I remember it well; it was at the Eiffel Tower. She was with the American star Guy Marchand I think. She sang 3 or 4 songs, but the real shock was at the "Palais des Sports" last year. It was really a sporting encounter. (We turned the pages of the photo album, and suddenly a classic photo of Véro).

Harmonies: Did everything go well at school?

Mme Sanson: No. She wasn't very interested. And that's a shame because at school they teach you to think and to establish a way of reasoning. And in that the most useful discipline (in which Véro is no good) that is maths. Otherwise, we have kept on good terms with the girls' teacher, who performed some miracles, because she managed to take Véro up from rock bottom. On the other hand, Violaine was excellent. She had 19 3/4 out of 20 in her "bac" maths. She did her degree and her doctorate.

Harmonies: Were they both at the same school?

Mme Sanson: Yes, they did the Hattemar course, which was also taken by Françoise Sagan, Françoise Hardy, Gérard Depardieu (who was also in the same class as Violaine), and many others. All the teachers never forgot to tell Véronique: "Your sister is much better than you" etc... and the head of the school, who was a childhood friend of my husband, was astonished when he saw her at the Eiffel Tower. He would never had believed it...

Harmonies: Véronique, did she continue until her bac ?

Mme Sanson: Yes, but in grumbling a little. She even succeeded in writing, but fell down in the oral for doing badly in a question about geometry. Happily her piano test gave her the opportunity to make up for it. She played a waltz of Chopin, if I remember correctly. Finally, let's say that her schoolwork is not the icing on her cake!

Harmonies: And how did she meet Bernheim and Schoberg?

Mme Sanson: François Bernheim was spending his holidays in Spain in the same place as us, and the girls met him there. They played the guitar and sang together on the beach. Then they decided to make a record, and when they went to Pathé, they met Claude-Michel Schoenberg who was the artistic director. So then they founded the group "Les Roche-Martin" and all four of them recorded a 45 rpm where there was above all a very nice song sung by Véro called "Maria de Tuscha".

(Gershwin, who until then was sleeping on the mat, got up hoping to be stroked by his keeper. That brought us to ask if this dog had a story).
 

Mme Sanson: Ah yes. Gershwin was at the RSPCA in a cage. He must have been 2 or 3 months old. He was even more ugly than now: as thin as a cuckoo and with an enormous head, and a tail like barbed wire. When Véronique saw him, she went crazy about him. She immediately decided to buy him. It must have been in December 1969 when we both had a rendezvous at the Place de la Madeleine. When I saw someone arrive with this dog on its lead, I said to myself, "what a monster". She explained to me that she didn't find him ugly at all, and that she'd bought him for Michel. However, he didn't want him, and we didn't want him in the house either. Even so, we left simply enough time to find him a family, and in the end, Gershwin had control over everyone!

We arrived (so quickly) at the last page of the photograph album. The time had passed by, and we had another rendezvous to honour, and we had to leave. For sure, on leaving, we thanked Mme Sanson for her kindness.

[Harmonies index]  [Odeur de Neige]

Revised: July 01, 2002.